Le dernier essai de Lauren Bibard, Dé-coïncider avec les études de genre, a été publié aux éditions Descartes et Cie en novembre 2022.
Les études de genre sont devenues une évidence en « Occident » mais les approcher de manière critique est devenu difficile, car leur critique est vécue par certains comme inacceptable. Laurent Bibard estime que c’est une difficulté commune à tous les extrémismes qui se manifestent actuellement autour de la question de la libération des mœurs. Les excès sont partout et l’actualité française en donne de multiples exemples : la campagne publicitaire du planning familial présentant un homme transgenre « enceint » a ainsi défrayé la chronique.
Le grand intérêt de l’approche de Laurent Bibard est de s’affranchir de cet interdit (de la critique) et de rechercher les racines profondes de ce développement des études de genre.
Il montre que, depuis un demi-siècle, l’idéologie libérale, le consumérisme, l’hyper-individualisme, tout cela s’appuyant sur l’explosion de nouvelles technologies, en particulier dans le domaine du numérique, ont rendu possible le franchissement de frontières qui semblaient jusque-là naturelles et intangibles. Ainsi, grâce à des interventions médicales et chirurgicales, le corps humain semble devenir infiniment malléable et transformable. Cette alliance du « droit » du consommateur et du pouvoir technique ouvre non seulement la possibilité mais aussi, pour certains, le « droit » au changement de sexe.
Laurent Bibard propose une hypothèse particulièrement stimulante : tout être humain, parce qu’il est né d’une combinaison de gamète mâle et de gamète femelle, porte en lui (symboliquement, imaginairement, mais aussi réellement) le féminin et le masculin. Mais il ajoute : la petite fille, parce qu’elle comprend très tôt qu’elle portera ou pourra porter un enfant, est marquée par une coïncidence originaire avec sa mère, alors que le petit garçon prend conscience d’une faille infranchissable qui le sépare de sa mère. Cette hypothèse redonne à la matrice féminine une place « à la fois comme organe, comme symbole, et comme lieu exclusif de la possibilité de toute gestation, et donc de l’avènement de tout humain. »
Ce livre explore les conditions très générales de ce développement : individualisme, consumérisme et nouvelles possibilités techniques. Il reconnaît l’intérêt et la légitimité de ces études, rappelant que l’intention initiale qui les anime est la libération des femmes du joug archaïque des hommes. Mais il en montre aussi les limites quand elles se transforment en idéologies simplistes et extrêmes. Il en propose donc une critique ouverte qui débouche sur une hypothèse stimulante et qui revalorise le statut du féminin.